Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/73

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— Ah ! j’ai mes raisons, répondit le duc, je vous les dirai quand vous me connaîtrez davantage.

— Eh bien ! pourquoi pas tout de suite ? dit la marquise cela vaudrait beaucoup mieux.

— Soit ! reprit le duc. C’est une anecdote. Je raconte. Avant-hier, je me trouvais seul dans votre salon en vous attendant, chère maman. Je rêvassais dans un coin, et, me trouvant fort bien assis sur une de vos causeuses, — j’avais manégé le matin un cheval enragé, j’étais las comme un bœuf, — je pensais à la destinée des sièges capitonnés en général, absolument comme mademoiselle de Saint-Geneix pensait tout à l’heure à celle des carafes de Bohême, et je me disais : «  Comme ces canapés et ces fauteuils seraient étonnés de se trouver dans une écurie ou dans une étable ! Et comme les belles dames en robes de satin qui vont venir ici tout à l’heure seraient troublées si, à la place de ces bons sièges, elles ne trouvaient ici que de la litière ! »

— Mais votre rêverie n’a pas le sens commun, dit en riant la marquise.

— Cela est vrai, reprit le duc, c’étaient les pensées d’un homme un peu gris,

— Que dites-vous là, mon fils ?

— Rien que de très-convenable, chère maman ! J’étais rentré chez moi affamé, altéré, brisé, déjà grisé par le grand air. Vous savez bien que l’eau me fait mal. Je ne pouvais pas ne pas me désaltérer, et en me désaltérant, je m’étais grisé, voilà tout. Vous