Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/75

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De ce côté du tableau, c’était, comme on l’a dit des toiles de Rubens, la fête de la chair. De larges mains, des joues vermeilles, des épaules puissantes, des nez bien apparents sur des faces épanouies, toujours des yeux admirables, et des appas capitonnés comme vos fauteuils, lesquels avaient subi cette transformation magique. Je ne peux pas m’expliquer autrement le point de départ de mon hallucination.

Ces splendides maritornes s’en donnaient à cœur-joie, sautaient et retombaient d’un poids à faire vibrer les bobèches des candélabres, quelques-unes roulant sur la paille et se relevant avec des épis vidés dans leurs cheveux d’or rougi. En face d’elles, les princesses d’éventail essayaient une danse décente sans pouvoir en venir à bout. Les brins de paille se dressaient contre les falbalas, la chaleur de l’atmosphère faisait tomber le fard, la poudre ruisselait sur les épaules et accusait la maigreur des contours ; une angoisse mortelle se peignait dans leurs yeux expressifs. Évidemment elles redoutaient l’apparition du soleil sur leurs charmes de contrebande, et voyaient avec fureur la réalité de la vie prête à triompher devant elles.

— Ah çà ! mon fils, dit la marquise, où voulez-vous en venir, et que signifie tout cela ? Avez-vous entrepris le panégyrique de la virago ?

— Je n’ai rien entrepris du tout, répondit le duc, je raconte. Je n’invente rien. J’étais sous l’empire de la vision, et je ne sais pas du tout quelles