Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelque accident imprévu je venais à mourir loin de toi, tu saurais qu’avant tout il faudrait envoyer ici et veiller à ce que l’enfant ne fût pas négligé par les gens à qui je l’ai confié. Ces gens ne me connaissent pas ; ils ne savent ni mon nom ni mon pays ; ils ignorent même que cet enfant m’appartient. De telles précautions sont nécessaires, je te l’ai dit. M. de G… a conservé des soupçons dont la conséquence serait de douter de la légitimité bien réelle pourtant de sa fille. Cette crainte torturait une malheureuse mère à qui j’avais juré de cacher l’existence de Didier tant que le sort de Laure ne serait pas assuré. Je me suis aperçu plus d’une fois de la curiosité inquiète avec laquelle mes démarches étaient observées. Je n’y saurais donc apporter trop de mystère.

Voilà pourquoi j’ai placé mon fils si loin de moi et dans une province où, n’ayant aucune espèce de relations, je risque moins qu’ailleurs d’être trahi par des rencontres fortuites. Les gens à qui j’ai affaire m’offrent toutes les garanties possibles d’honnêteté, de bonté et de discrétion, en ce sens qu’ils s’abstiennent de me questionner et de m’observer. La nourrice est nièce de Joseph, ce bon vieux domestique que nous avons perdu l’an dernier. C’est lui qui me l’avait indiquée ; mais elle ne sait pas qui je suis. Elle me connaît sous le nom de Bernyer. La femme est jeune, saine et douce, une simple paysanne, mais dans l’aisance. J’aurais craint, en la faisant plus riche, de ne pouvoir détruire les habitudes parcimonieuses de la