Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/107

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toine à Émile, tout en pressant sa fille sur son cœur, qu’il y a un peu de l’un et un peu de l’autre.

— Ah ! monsieur Antoine ! qu’avez-vous fait là ? s’écria Janille ; voilà encore une de vos distractions !… Vous avez fait une tache avec votre œuf sur la manche de Gilberte.

— Ce n’est rien, dit M. Antoine ; je vais la laver moi-même.

— Non pas ! non pas ! ce serait pire ; vous répandriez sur elle toute la carafe, et vous noieriez ma fille. Viens ici, mon enfant, que j’enlève cette tache. J’ai horreur des taches, moi ! Ne serait-ce pas dommage de gâter cette jolie robe toute neuve ? »

Émile regarda pour la première fois la toilette de Gilberte. Il n’avait encore fait attention qu’à sa taille élégante et à la beauté de sa personne. Elle était vêtue d’un coutil gris très frais, mais assez grossier, avec un petit fichu blanc comme neige, rabattu autour du cou. Gilberte remarqua cette investigation, et, loin d’en être humiliée, elle mit un peu d’orgueil à dire que sa robe lui plaisait, qu’elle était de bonne qualité, qu’elle pouvait braver les épines et les ronces, et que, Janille l’ayant choisie elle-même, aucune étoffe ne pouvait lui être plus agréable à porter.

« Cette robe est charmante, en effet, dit Émile ; ma mère en a une toute pareille. »

Ce n’était pas vrai ; Émile, quoique sincère, fit ce petit mensonge sans s’en apercevoir. Gilberte n’en fut pas dupe, mais elle lui sut gré d’une intention délicate.

Quant à Janille, elle fut visiblement flattée d’avoir eu bon goût, car elle tenait presque autant à ce mérite qu’à la beauté de Gilberte.

« Ma fille n’est pas coquette, dit-elle, mais moi, je le suis pour elle. Et que diriez-vous, monsieur Antoine, si