Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/137

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« On ne peut voir le parc que le dimanche, dit-il, prenez la peine de repasser dimanche. »

Émile lui présenta une carte de visite, et le vieillard tirant lentement ses lunettes de sa poche, sans quitter son soupirail de cave, l’étudia lentement ; après quoi il disparut, et, reparaissant par une porte située au-dessus de son trou : « C’est fort bien, Monsieur, dit-il ; monsieur le marquis m’a ordonné de recevoir la personne qui se présenterait de la part de M. Cardonnet ; M. Cardonnet de Gargilesse, n’est-ce pas ? »

Émile répondit par un signe affirmatif.

« C’est à merveille, Monsieur, reprit le vieux serviteur en s’inclinant avec courtoisie, et paraissant fort satisfait de pouvoir se montrer poli et hospitalier sans manquer à sa consigne. Monsieur le marquis ne pensait pas que vous viendriez sitôt, il vous attendait tout au plus demain. Il est dans son parc, je cours l’avertir. Mais auparavant je vais avoir l’honneur de vous conduire au salon. »

En parlant de courir, le vieillard se vantait étrangement : il avait la démarche et l’agilité d’un centenaire. Il conduisit Émile à l’entrée basse et étroite d’une tourelle d’escalier, et choisissant lentement une clef dans son trousseau, il le fit monter jusqu’à une autre porte garnie de gros clous et fermée à clef comme la première. Autre clef ; et, après avoir traversé un long corridor, troisième clef pour ouvrir les appartements. Émile fut introduit à travers plusieurs pièces, où l’obscurité succédant pour lui au vif éclat du soleil, il se crut dans les ténèbres. Enfin, il pénétra dans un vaste salon, et le valet lui avança un fauteuil, en disant : « Monsieur désire-t-il que j’ouvre les jalousies ? »

Émile lui fit comprendre par signes que c’était inutile et le vieillard le laissa seul.

Lorsque ses yeux se furent habitués au jour gris et