Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/79

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Caillaud à voix basse… Allons, suivez-moi, ou j’appelle main-forte ! cria-t-il de tous ses poumons… Allons donc ! reprit-il à la sourdine, filez, père Jean ; faites mine de me donner un renfoncement, je vas me laisser tomber par terre.

— Non, mon pauvre Caillaud, ça te ferait perdre ton emploi, ou tout au moins tu passerais pour un capon et une poule mouillée. Puisque tu as eu le cœur d’accepter ta commission, il faut aller jusqu’au bout. Je vois bien qu’on t’a menacé, qu’on t’a forcé la main ; ça m’étonne bien que M. Jarige ait pu se décider à me faire ce tort-là.

— Mais ça n’est plus M. Jarige qui est maire ; c’est M. Cardonnet.

— Alors, j’entends, et ça me donne envie de te battre pour t’apprendre à n’avoir pas donné ta démission tout de suite.

— Vous avez raison, père Jean, dit Caillaud navré, je m’en vais la donner ; c’est le mieux. Allez-vous-en !

— Qu’il s’en aille ! et toi… garde ta place, dit Émile Cardonnet sortant de derrière un buisson. Tiens, mon camarade, tombe, puisque tu veux tomber, ajouta-t-il en lui passant adroitement la jambe à la manière des écoliers, et si l’on te demande qui est l’auteur de ce guet-apens, tu diras à mon père que c’est son fils.

— Ah ! la farce est bonne, dit Caillaud en se frottant le genou, et si votre papa vous fait mettre en prison, ça ne me regarde pas. Vous m’avez fait tomber un peu durement, pas moins, et j’aurais autant aimé que ça se fût trouvé sur l’herbe. Eh bien ! est-il parti ce vieux fou de Jean ?

— Pas encore, dit Jean qui avait gravi une éminence, et qui se tenait à portée de prendre les devants. Merci, monsieur Émile, je n’oublierai pas, car je me serais soumis à mon sort, si la loi seule s’en était mêlée ; mais, depuis