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LE PÉCHÉ

cœur se serrait au souvenir du sanglot qu’elle avait entendu et dont l’écho était resté dans ses oreilles.

Janille et Antoine attendaient Gilberte avec une ardente impatience. Le rapport de Charasson les avait frappés de stupeur, et, croyant qu’il battait la campagne ou qu’il mentait pour leur cacher quelque accident arrivé à Gilberte, ils avaient couru chez la mère Marlot pour calmer leur inquiétude. Son récit les avait rassurés, mais n’avait rien éclairci. Janille était irritée contre le charpentier et n’augurait rien de bon de cette folle entreprise. Antoine s’effrayait avec elle, puis, tout aussitôt, conformément à sa nature confiante, il se livrait à de riantes illusions et bâtissait mille châteaux en Espagne.

« Janille, disait-il, notre enfant et notre ami Jean peuvent à eux deux faire des prodiges. Que dirais-tu si tu les voyais venir avec Boisguilbault ?

— Ah ! voilà votre tête folle ! répondait Janille. Vous oubliez que c’est impossible, et que le vieux sournois est plutôt capable de tordre le cou à notre fille que d’écouter de bonnes raisons. Et puis, quelles excuses peuvent faire valoir des gens qui ne savent rien de rien ?

— C’est justement pour cela. Tout ce que Boisguilbault craint au monde, c’est que nous n’ayons mis les nôtres dans la confidence : car c’est l’orgueil blessé, tout autant que l’amitié trahie, hélas ! qui le rend si craintif et si malheureux. Pauvre marquis ! peut-être que la candeur de notre enfant et la loyauté de Jean l’attendriront. Puisse-t-il me pardonner de ce que je n’oublierai jamais !

— Plaignez-vous lorsque vous avez un trésor comme Gilberte ! Mais ne comptez pas qu’elle l’apprivoise. Celui-là ne reviendra pas plus à Châteaubrun que le beau fils Cardonnet, et nos ruines ne reverront jamais ni l’un ni l’autre.

— Émile reviendra avec le consentement de son père,