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DE M. ANTOINE.

et il m’a remis les cadeaux de noces qu’il a faits à sa femme.

— Oui, dit le charpentier, il se sera trompé, pour sûr : car on ne donne pas la défroque de sa défunte à une étrangère. Il était si troublé, le pauvre homme ! Il n’y a pas que vous qui ayez des distractions, monsieur Antoine !

— Non, il ne s’est pas trompé, dit M. Antoine. Il sait ce qu’il fait, lui, et Gilberte peut garder ces présents.

— Tiens, tiens ! je le crois bien, s’écria Janille. Ils sont bien à elle, n’est-ce pas, monsieur Antoine ? Tout ça lui appartient légitimement… puisque M. de Boisguilbault le lui donne !

— Mais c’est impossible, mon père ! je n’en veux pas, dit Gilberte : qu’en ferais je ? Je serais vraiment fort ridicule si j’allais me promener dans notre brouette avec mes robes d’indienne, couverte de diamants et d’un cachemire de l’Inde.

— Dame ! vous feriez un peu rire le monde, dit le charpentier ; les dames du pays en crèveraient de rage. Et puis tous les hannetons viendraient donner de la tête sur vos diamants, car ils se jettent comme des imbéciles sur ce qui brille ; et en cela ils font comme les hommes. Si M. de Boisguilbault voulait vous doter, pour faire voir qu’il se raccommode avec M. Antoine, il aurait mieux fait de vous donner une de ses petites métairies avec un cheptel de huit bœufs.

— Tout cela est bel et bon, dit Janille ; mais avec des petites pierres brillantes on fait de l’argent, on agrandit le pavillon, on rachète des terres, on se fait deux ou trois mille livres de rente, et on trouve un mari qui vous en apporte autant. Alors on est à son aise pour le reste de ses jours, et on se moque un peu de MM. Cardonnet père et fils !