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DE M. ANTOINE.

le paquet sur la cheminée et s’enfuit avec la rapidité d’une flèche.


XXXIII.

HISTOIRE DE L’UN RACONTÉE PAR L’AUTRE.


Quelques instants après la fuite de Gilberte, Jean revenait poser la serrure du cabinet, suivi de M. de Boisguilbault, qui attendait son départ pour faire fermer le parc. Le charpentier avait remarqué l’inquiétude du marquis, de quelle manière il observait tous ses mouvements pendant qu’il travaillait à cette porte ; impatienté de la curiosité qu’on lui supposait apparemment, il releva la tête et dit avec sa franchise accoutumée : « Pardieu, monsieur de Boisguilbault, vous avez bien peur que je ne regarde ce que vous avez caché là-dedans ! Songez donc que je l’aurais vu depuis une heure, si j’avais voulu ; mais je ne m’en soucie guère, et j’aimerais mieux que vous me disiez : Ferme les yeux, plutôt que de me surveiller comme vous faites. »

M. de Boisguilbault changea de visage et fronça les sourcils. Il jeta un coup d’œil sur le cabinet et vit que le courant d’air avait fait tomber une grande toile verte dont il avait assez gauchement couvert le portrait, et que Jean, à moins d’être aveugle, avait dû le voir. Il prit alors son parti, ouvrit la porte toute grande, et lui dit avec un calme forcé : « Je ne cache rien là, et tu peux regarder, si bon te semble.

— Oh ! je ne suis guère curieux de vos gros livres, répondit en riant le charpentier : je n’y connais rien, et je ne comprends pas qu’il ait fallu écrire tant de paroles pour savoir se conduire. Mais voilà le portrait de votre défunte dame ! je la reconnais, c’est bien elle ; vous l’avez donc