Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
LE PÉCHÉ

prendre ; mais je n’offre pas ma poitrine nue et mon bras désarmé à tout le monde, vous le saurez bientôt. »

M. Cardonnet s’était levé aussi en lançant à M. Antoine des regards menaçants. Le marquis se mit entre eux et dit à Antoine : « Monsieur le comte, je ne sais pas ce qui s’est passé entre M. Cardonnet et vous ; mais vous venez de m’offrir une réparation que je repousse. Je veux croire que nos torts ont été réciproques, et ce n’est pas à mes genoux, c’est dans mes bras que je veux vous voir ; mais puisque vous croyez me devoir un acte de soumission que mon âge autorise, avant de vous embrasser, j’exige que vous vous réconciliiez avec M. Cardonnet, et que vous fassiez les premiers pas.

— Impossible ! s’écria Antoine en pressant convulsivement le bras du marquis, et partagé entre la joie et la colère ; monsieur vient de parler à ma fille d’une manière offensante.

— Non, cela ne se peut pas, reprit le marquis, c’est un malentendu. Je connais les sentiments de M. Cardonnet ; son caractère s’oppose à une lâcheté. Monsieur Cardonnet, je suis certain que vous connaissez le point d’honneur tout aussi bien qu’un gentilhomme, et vous venez de voir deux gentilshommes qui s’étaient cruellement blessés l’un l’autre, se réconcilier sous vos yeux, sans rougir de leurs mutuelles concessions. Soyez généreux, et montrez-nous que le nom ne fait pas la noblesse. Je vous apporte des paroles de paix et surtout des moyens de conciliation. Permettez-moi de mettre votre main dans celle de M. de Châteaubrun. Voyez ; vous ne refuserez pas un vieillard au bord de sa tombe. Mademoiselle Gilberte, venez à mon aide, dites un mot à votre père… »

Les moyens de conciliation avaient retenti avec un son clair à l’oreille de M. Cardonnet. Son esprit pénétrant avait déjà deviné une partie de la vérité. Il pensa