Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/261

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vais mouvements de Pauline, un sujet de dépit. Elle l’eût voulue désordonnée, afin d’avoir une supériorité éclatante sur elle. Mais Montgenays réussit à lui montrer les choses sous un nouveau jour. Il s’attacha à lui démontrer qu’en se refusant à lui, elle s’abaissait au niveau de Laurence, dont la tactique avait été de se faire désirer pour se faire épouser. Il lui fit croire qu’en s’abandonnant à lui avec dévouement et sans arrière-pensée, elle donnerait au monde un grand exemple de passion, de désintéressement et de grandeur d’âme. Il le lui redit si souvent que la malheureuse fille finit par le croire. Pour faire le contraire de Laurence, qui était l’âme la plus généreuse et la plus passionnée, elle fit les actes de la passion et de la générosité, elle qui était froide et prudente. Elle se perdit.

Quand Montgenays l’eut rendue mère, et que toute cette aventure eut fait beaucoup de bruit, il l’épousa par ostentation. Il avait, comme on sait, la prétention d’être excentrique, moral par principes, quoique, selon lui, il fût roué par excès d’habileté et de puissance sur les femmes. Il fit parler de lui tant qu’il put. Il dit du mal de Laurence, de Pauline et de lui-même ; et se laissa accuser et blâmer avec constance, afin d’avoir l’occasion de produire un grand effet en donnant son nom et sa fortune à l’enfant de son amour.

Ce plat roman se termina donc par un mariage, et ce fut là le plus grand malheur de Pauline. Montgenays ne l’aimait déjà plus, si tant est qu’il l’eût jamais aimée. Quand il avait joué la comédie d’un admirable époux devant le monde, il laissait pleurer sa femme derrière le rideau, et allait à ses affaires ou à ses plaisirs sans se souvenir seulement qu’elle existât. Jamais femme plus vaine et plus ambitieuse de gloire ne fut plus délaissée, plus humiliée, plus effacée. Elle revit Laurence, espérant la faire souffrir par le spectacle de son bonheur. Laurence ne s’y