lutta tout le jour contre le malaise qui suit un excès.
Émile passa encore toute la semaine plongé dans l’hydrostatique ; il ne se permit pas d’autre distraction que de chercher Jean Jappeloup dans la soirée pour causer avec lui, et, comme il cherchait toujours à ramener la conversation sur Gilberte : « Écoutez, monsieur Émile, lui dit tout à coup le charpentier, vous n’êtes jamais las de ce chapitre-là, je le vois bien. Savez-vous que la mère Janille vous croit amoureux de son enfant ?
— Quelle idée ! répondit le jeune homme, troublé par cette brusque interpellation.
— C’est une idée comme une autre. Et pourquoi n’en seriez-vous pas amoureux ?
— Sans doute, pourquoi n’en serais-je pas amoureux ? répondit Émile de plus en plus embarrassé. Mais est-ce vous, ami Jean, qui voudriez parler légèrement d’une pareille possibilité ?
— C’est plutôt vous, mon garçon, car vous répondez comme si nous plaisantions. Allons, voulez-vous me dire la vérité ? dites-la, ou je ne vous en parle plus.
— Jean, si j’étais amoureux, en effet, d’une personne que je respecte autant que ma propre mère, mon meilleur ami n’en saurait rien.
— Je sais fort bien que je ne suis pas votre meilleur ami, et pourtant je voudrais le savoir, moi.
— Expliquez-vous, Jean.
— Expliquez-vous vous-même, je vous attends.
— Vous attendrez donc longtemps ; car je n’ai rien à répondre à une pareille question, malgré toute l’estime et l’affection que je vous porte.
— S’il en est ainsi, il faudra donc que vous disiez, un de ces jours, adieu tout à fait aux gens de Châteaubrun ; car ma mie Janille n’est pas femme à s’endormir longtemps sur le danger.