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DE M. ANTOINE.

cessant, elle put être délivrée de la présence de ces nouveaux hôtes.

Enfin Gilberte, un peu rassurée par la voix douce et les manières courtoises du marquis, s’enhardit à lui répondre ; et comme il s’accusait toujours de négligence : « J’ai ouï dire, monsieur, lui dit-elle, que vous étiez d’une santé fort délicate, et que vous lisiez beaucoup. Je conçois que vos occupations ne vous permettent pas de remplir des soins si multipliés. Moi, je n’ai rien de mieux à faire, et je demeure si près d’ici, que je n’ai pas grand mérite à venir soigner les malades de la paroisse. »

Elle regarda le charpentier en disant ces derniers mots, comme pour lui faire remarquer qu’elle entrait enfin dans l’esprit de son rôle, et Jean se hâta d’ajouter, pour donner plus de poids à cette phrase de dévote : « D’ailleurs, c’est une nécessité et un devoir de position. Si la sœur du curé ne prenait soin des pauvres, qui le ferait ?

— Je serais un peu réconcilié avec ma conscience, dit le marquis, si madame voulait s’adresser à moi lorsqu’il m’arrive d’ignorer ou d’oublier mes devoirs. Ce que mon zèle n’accomplit pas, ma bonne volonté du moins pourrait y suppléer ; et tandis que madame se réserverait la plus noble et la plus pénible tâche, celle de soigner les malades de ses propres mains, je pourrais ajouter par mon argent, aux ressources trop restreintes de la charité du prêtre. Permettez-moi de m’associer à vos bonnes actions, madame, je vous en supplie, ou si vous ne voulez pas me faire cet honneur, adressez-moi tous vos pauvres. Une simple recommandation de vous me les rendra sacrés.

— Je sais qu’ils n’ont pas besoin de cela, monsieur le marquis, répondit Gilberte, et que vous en secourez beaucoup plus que je ne peux le faire.

— Vous voyez bien que non, puisque je ne me trouve