Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/230

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« Hélas ! brillante Excellence (chiarissima)  ; dit-il en prenant une prise de tabac imaginaire dans sa tabatière vide, c’est en effet ma fille qui cause le chagrin que je ne puis dissimuler. Votre seigneurie sait bien que Mattea est en âge de songer à autre chose qu’à des poupées.

— Sans doute, sans doute, elle à tantôt cinq pieds de haut, répondit la princesse, la plus, belle taille qu’une femme puisse avoir  ; c’est précisément ma taille. Cependant elle n’a pas plus de quatorze ans  ; c’est ce qui la rend un peu excusable  ; car, après tout, c’est encore un enfant incapable d’un raisonnement sérieux : D’ailleurs le précoce développement de sa beauté doit nécessairement lui donner quelque impatience d’être mariée.

— Hélas ! reprit ser Zacomo, votre seigneurie sait combien ma fille est admirée, non-seulement par tous ceux qui la connaissent, mais encore par tous ceux qui passent devant notre boutique. Elle sait que les plus élégants et les plus riches seigneurs s’arrêtent des heures entières devant notre porte, feignant de causer entre eux ou d’attendre quelqu’un, pour jeter de fréquents regards sur le comptoir où elle est assise auprès de sa mère. Plusieurs viennent marchander mes étoffes pour avoir le plaisir de lui adresser quelques mots, et ceux qui ne sont point malappris achètent toujours quelque chose, ne fût-ce qu’une paire de bas de soie  ; c’est toujours cela. Dame Loredana, mon épouse, qui certes est une femme alerte et vigilante, avait élevé cette pauvre enfant dans de si bons principes que jamais jusqu’ici on n’avait vu une fille si réservée, si discrète et si honnête  ; toute la ville en témoignerait.

— Certes, reprit la princesse, il est impossible d’avoir un maintien plus convenable que le sien, et j’entendais dire l’autre jour dans une soirée que la Mattea était une