Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/266

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rance, encore moins la charité  ; c’était l’amour du gain, le dieu d’or de toutes les nations.

Mattea suivit le degré humide qui entourait la maison jusqu’à ce qu’elle eût trouvé un escalier étroit et sombre qu’elle monta au hasard. Une porte, fermée seulement au loquet, s’ouvrit à elle, et ensuite une pièce carrée, blanche et unie, sans aucun ornement, sans autre meuble qu’un lit très-bas et d’un bois grossier, couvert d’un tapis de pourpre rayé d’or, une pile de carreaux de cachemire, une lampe de terre égyptienne, un coffre de bois de cèdre incrusté de nacre de perle, des sabres, des pistolets, des poignards et des pipes du plus grand prix, une veste chamarrée de riches broderies, qui valait bien quatre où cinq cents thalers, et à laquelle une corde tendue en travers de la chambre servait d’armoire. Une écuelle d’airain de Corinthe pleine de pièces d’or était posée à côte d’un yatagan  ; c’était la bourse et la serrure d’Amet. Sa carabine, couverte de rubis et d’émeraudes, était sur son lit, et une devise en gros caractères arabes était écrite sur la muraille au-dessus de son chevet.

Mattéa souleva la portière de tapisserie qui servait de fenêtre, et vit sur la terrasse Abul déchaussé et prosterné devant la lune.

Cette profonde immobilité de sa prière, que la présence d’une femme seule avec lui, la nuit, dans sa chambre, ne troublait pas plus que le vol d’un moucheron, frappa la jeune fille de respect, — Ce sont là, pensa-t-elle, les hommes que les mères qui battent leurs filles vouent à la damnation. Comment donc seront damnés les cruels et les injustes ?

Elle s’agenouilla sur le seuil de la chambre et attendit, en se recommandant à Dieu, qu’il eût fini sa prière. Quand il eut fini en effet, il vint à elle, la regarda, essaya d’échanger avec elle quelques paroles inintelligibles de