Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/192

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et léger comme une grosse poutre de charpente qui vous tomberait sur les doigts du pied.

— Allons, dit Pierre Huguenin, puisqu’il a commencé, il faut le laisser achever. Je vois bien qu’il s’agit de M. Isidore Lerebours. Comment pouvez-vous croire, Amaury, que je me soucie de ce qu’il a pu dire contre moi ? il faudrait être bien faible d’esprit pour craindre son jugement.

— Ah ! bien, en ce cas, je vas vous le dire ; vrai, je vas vous le dire, maître Pierre ! s’écria le Berrichon en clignotant du côté d’Amaury, comme pour le supplier de ne pas lui fermer la bouche.

Le Corinthien lui fit signe qu’il pouvait parler, et il commença son récit en ces termes :

— D’abord, c’était une belle dame, une superbe femme, ma foi, toute petite et rouge de figure, qui a passé et repassé, et encore passé, et encore repassé, comme pour regarder notre ouvrage ; mais, aussi vrai que je mords dans mon pain, c’était pour regarder le pays Corinthien…

— Que veut-il dire, avec son pays et son Corinthien ? demanda le père Huguenin, devant qui on était convenu de ne jamais se donner les noms du Compagnonnage.

Pierre marcha un peu fort sur le pied du Berrichon, qui fit une affreuse grimace et reprit bien vite :

— Quand je dis le pays, c’est comme si je disais l’ami, le camarade… Nous sommes pays, lui et moi : il est de Nantes en Bretagne, et moi, je suis de Nohant-Vic en Berry.

— Très-bien ! dit le père Huguenin en se tenant les côtes de rire.

— Et quand je dis le Corinthien, poursuivit le Berrichon, à qui l’on marchait toujours sur le pied, c’est un nom comme ça que je m’amuse à lui donner…