Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, attendait là l’effet que sa délation avait dû produire. Il ne savait pas que le vieux comte, ayant l’instinct et le goût de ce que le phrénologues appellent aujourd’hui constructivité, s’entendait beaucoup mieux que lui à juger les travaux de l’atelier, et qu’il n’était pas facile de l’induire en erreur. Il avait compté sur la brusque vivacité qu’il lui connaissait, et sur l’orgueil un peu irascible du père Huguenin. Il espérait que l’un émettrait quelque doute, et que l’autre répondrait sans respect et sans mesure. Le comte, qui s’était fait raconter le matin par son architecte l’aventure du plan de l’escalier, comprenait fort bien maintenant la conduite d’Isidore et la méprisait parfaitement.

— Je suis fort content de ce que je viens de voir, lui dit-il en élevant la voix et en le regardant droit au visage d’un air sévère ; ce sont de bons ouvriers, et je remercie beaucoup votre père de les avoir employés. Qui est-ce donc qui disait, hier soir, qu’ils travaillaient mal ? Est-ce mon architecte ? n’est-ce pas vous, Isidore ?

— Je ne pense pas que l’architecte ait pu dire cela, répondit M. Lerebours ; car il est fort content du travail des Huguenin.

— Ce sera donc lui ! dit le comte en montrant Isidore avec malice.

— Mon fils n’a pas vu ce qu’ils font ; d’ailleurs il ne s’y connaît pas. Les sciences qu’il a étudiées sont d’un ordre plus relevé, et le proverbe qui dit : Qui peut le plus peut le moins, n’est pas toujours vrai. Mais qui donc a pu chercher à indisposer monsieur le comte contre mes ouvriers ? Ce sera le curé ; il m’en veut parce que je le gagne au billard.

— Ce sera le curé, répondit le comte, c’est un sournois. La première fois que nous le verrons, nous lui dirons de se mêler de ses affaires.

Isidore ne comprit pas la leçon. Il crut que le comte