Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/9

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pareil à un autre homme, un monsieur tout pareil à un autre monsieur, et je m’étonne beaucoup que cela étonne encore quelqu’un. Il n’est pas nécessaire d’avoir été reçu bachelier pour être aussi instruit que tous les bacheliers du monde. Ce n’est pas au collége qu’on apprend à être moral et religieux, puisqu’on n’y apprend que le grec et le latin. On y acquiert fort lentement une certaine instruction qu’un ouvrier, tout comme une femme, peut acquérir plus tard et plus vite avec de l’intelligence et de la volonté. Enfin cette prétendue infériorité de race ou de sexe est un préjugé qui n’a même plus l’excuse aujourd’hui d’être soutenu de bonne foi, et le combattre davantage serait même fort puéril à l’heure qu’il est.

J’ai publié, pour la première fois, le roman qu’on va lire sous le poids des anathèmes de deux castes, la noblesse et la bourgeoisie, sans compter le clergé, dont les journaux m’accusaient sans façon d’aller étudier les mœurs des ouvriers, tous les dimanches, à la barrière, d’où je revenais ivre avec Pierre Leroux. Voilà comment un certain monde et une certaine religion accueillent les tentatives de moralisation, et comment un livre dont l’idée évangélique était le but bien déclaré, fut reçu par les conservateurs de la morale et les ministres de l’Évangile.

Nohant, 23 octobre 1851.

GEORGE SAND.