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DU TOUR DE FRANCE.

sombre, et en se levant. Achève ; que voulait-elle faire après avoir rompu avec le Bon-Soutien ?

— Reprendre son ancien état de lingère, et, si tu n’étais pas ici, venir y tenter un établissement. Elle s’est imaginé, d’une part, qu’elle trouverait de l’ouvrage dans ce pays ; et, de l’autre, que tu ne pouvais pas être resté près de moi, puisque tu l’oubliais sans que personne songeât à l’en avertir.

— Son idée est bonne, répondit le Corinthien d’un air préoccupé ; il n’y a point de lingère ici : elle aura la pratique du château… Elle repassera les fichus transparents de la marquise, ajouta-t-il avec une amertume sanglante. Pierre, donne-moi une plume et du papier. Vite !

— Que veux-tu faire ?

— Tu me le demandes ? Écrire à la Savinienne, lui dire que nous l’attendons, et que l’un de nous ira la chercher à moitié chemin, tandis que l’autre retiendra et préparera son logement dans le village. Est-ce que ce n’est pas là mon devoir ?

— Sans aucun doute, Amaury ; mais le dépit est un mauvais garant du devoir. J’aimerais mieux que tu écrivisses cette lettre demain, à tête reposée.

— Je veux l’écrire tout de suite.

— Parce que tu sens que demain tu n’en auras plus la force.

— Je l’aurai ; j’écrirai encore demain, et encore après-demain, si tu veux ; j’ai plus de force que tu ne crois.

— Amaury, si tu écris, la Savinienne viendra. Elle croira en toi, et, moi, je ne sais si j’aurai le courage d’en douter assez pour la désabuser. Si elle vient, et qu’elle te trouve aux pieds de la marquise, comment faudra-t-il considérer ta conduite ?

— Comme celle d’un lâche ou d’un fou.

— Prends garde d’être fou. N’écris pas encore…