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DU TOUR DE FRANCE.

rênes, sachant bien que c’est la seule manière de gouverner un coursier impétueux.

Joséphine demeura quelques instants muette, et enfin elle répondit :

— Je vous remercie, mon cher, mon généreux oncle, de me traiter avec cette bonté, lorsqu’au fond du cœur vous me méprisez certainement.

— Moi, vous mépriser, mon enfant ! Et pourquoi donc, je vous prie ? Si vous étiez une de ces marquises galantes dont je parlais tout à l’heure, je vous traiterais avec plus de sévérité ; car un noble esprit doit savoir commander aux sens. Mais ce n’est point une faute de ce genre que vous avez commise…

— Non, mon oncle ! s’écria Joséphine, à qui l’inspiration du mensonge revint avec l’espérance de se disculper ; je vous jure que c’est un amour de tête, une folie, un rêve romanesque, et que ce jeune homme ne venait ici…

— Que pour vous baiser la main, je n’en doute pas, répondit le comte avec un sourire d’une si terrible ironie, qu’il ôta tout d’un coup à Joséphine la prétention de lui en imposer. Mais je ne vous demandais pas cela, ajouta-t-il en reprenant son sérieux affecté. Il est des fautes complètes où le cœur joue un si grand rôle qu’on les plaint au lieu de les condamner. Je suis donc bien persuadé que vous avez pour le Corinthien une affection très-sérieuse, et que, prévoyant la fin prochaine de M. des Frenays, vous lui avez promis de vous unir un jour à lui. Eh bien, mon enfant, si vous avez fait cette promesse, il faudra la tenir ; je vous répète que je ne m’y oppose pas.

— Mais, mon oncle, dit naïvement Joséphine, je ne lui ai jamais fait aucune promesse !…

Le comte poursuivit, comme s’il n’avait pas entendu cette réponse, qu’il venait pourtant de noter très-particulièrement :