I.
LES PIERRES-SOTTES ou PIERRES-CAILLASSES
u beau milieu des plaines calcaires de la vallée Noire, on voit se creuser brusquement une zône jonchée de magnifiques blocs de granit. Sont-ils de ceux que l’on doit appeler erratiques, à cause de leur apparition fortuite dans des régions où ils n’ont pu être amenés que par les eaux diluviennes des âges primitifs ? Se sont-ils, au contraire, formés dans les terrains où on les trouve accumulés ? Cette dernière hypothèse semble être démentie par leur forme ; ils sont presque tous arrondis, du moins sur une de leurs faces, et ils présentent l’aspect de gigantesques galets roulés par les flots.
Il n’y a pourtant là maintenant que de charmants petits ruisseaux, pressés et tordus en méandres infinis par la masse de ces blocs ; ces riantes et fuyardes petites naïades murmurent, à demi-voix et par bizarres intervalles, des phrases mystérieuses dans une langue inconnue. Ailleurs, les eaux rugissent, chantent ou gazouillent. Là elles parlent, mais si discrètement que l’oreille attentive des sylvains peut seule les comprendre. Dans les creux où leurs minces filets s’amassent, il y a quelquefois des silences ; puis quand la petite cave est remplie, le trop plein s’élance et révèle, en quelques paroles précipitées, je ne sais quel secret que les fleurs et les herbes, agitées par l’air qu’elles refoulent, semblent saisir et saluer au passage.
Plus loin, ces eaux s’engouffrent et se perdent sous les blocs entassés :
Et là, profonde, |
Sur ces roches humides, croissent les plantes également étrangères au sol de la contrée. La ményanthe, cette blanche petite hyacinthe frisée et dentelée, dont la feuille est celle du trèfle ; la digi-