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IX.

LE LUPEUX


Charli l’entendait souvent quand il revenait de casser les pierres sur la route. — Oui-dà, disait-il à sa femme en rentrant, il me suivait encore, à ce soir, tout le long du buisson, lupant à la lune ; mais moi, je lui disais en moi-même : Lupe donc tant que tu voudras, tu ne me feras pas seulement tourner la tête pour te voir.
Maurice SAND.



L’auteur de la Normandie merveilleuse, que nous aimons à citer, parle des bêtes revenantes (c’est ainsi qu’on les appelle en Berry) à propos du chien de Monthulé, qui apparaissait aux habitants de la commune de Sainte-Croix-sur-Aizier, ne faisant aucun mal aux hommes, mais ne se laissant jamais approcher ni toucher, et bornant sa malice à tourmenter si fort les jeunes chiens qu’on n’en pouvait élever aucun dans la localité. La légende normande dit que ce chien avait appartenu à un voyageur mystérieux, et qu’il avait été tué par le propriétaire de la ferme de Monthulé. Son maître le cherchant partout, vint à la ferme, où on lui jura que l’animal était venu mourir de sa belle mort. — Si vous ne dites vrai, répondit le voyageur, on le saura bien ! Et il disparut.

À partir de ce moment, le chien devint fantôme pour tourmenter ses meurtriers. L’auteur ajoute : « Observez que dans ce conte, une croyance nouvelle se manifeste ; une âme est attribuée à l’animal, puisqu’il partage avec l’homme la faculté d’apparaître après sa mort. »

Nous avons constaté la même croyance dans notre province. Une vieille femme de notre village perdit une ouaille, une brebis noire, qu’elle soupçonna un méchant voisin d’avoir fait périr par poison ou maléfice. La pauvre bête écorchée et mise en terre, la bonne femme dormait, lorsqu’elle entendit sa chèvre bêler et se démener dans l’étable, comme si elle était aux prises avec quelque chose d’extraordinaire. Elle se leva et, ouvrant sa porte, elle vit son ouaille noire qui essayait d’entrer dans l’étable où elle avait coutume d’être avec la chèvre. La bonne femme, effrayée, rentre chez elle et se barricade ; mais la chèvre continue à se tourmenter. La femme prend courage et retourne voir. Cela eut lieu par trois fois. Par trois fois elle vit son ouaille essayant d’entrer, et la chèvre venant jusqu’à la barrière de l’étable pour l’appeler et la caresser. Mais ce