Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/12

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Malgré toutes ces apparences de mérite, Sciarra d’Alvimar ne noua, dans les nombreuses intrigues de la cour de la régente, aucune intrigue personnelle ; du moins, celles qu’il put rêver n’aboutirent pas. Il a avoué depuis, en intime confidence, qu’il eût voulu plaire à Marie de Médicis ni plus ni moins, et remplacer, dans les bonnes grâces de cette reine, son propre maître et protecteur, le maréchal d’Ancre.

Mais la balorda, comme l’appelait Léonora Galigaï, ne fit point d’attention au petit Espagnol et ne vit en lui qu’un mince officier de fortune, un subalterne sans avenir. S’aperçut-elle, au moins, de la passion feinte ou vraie de M. d’Alvimar ? C’est ce que l’histoire ne dit pas et ce que d’Alvimar lui-même n’a jamais su.

Que, par son esprit et les agréments de sa personne, cet homme eût été capable de plaire si Concini n’eût pas occupé les pensées de la régente, c’est ce qu’il n’est pas impossible de supposer. Le Concini était parti de plus bas et n’était pas moitié si intelligent que lui. Mais d’Alvimar avait en lui-même un obstacle à la haute fortune des courtisans, un obstacle que son ambition ne pouvait vaincre.

Il était catholique exalté, et il avait tous les défauts des méchants catholiques de l’Espagne de Philippe II. Soupçonneux, inquiet, vindicatif, implacable, il avait pourtant la foi, mais une foi sans amour et sans lumière, une croyance faussée par les passions et les haines d’une politique qui s’identifiait avec la religion, « au grand déplaisir du Dieu bon et indulgent, dont le royaume n’est pas tant de ce monde que de l’autre, » c’est-à-dire, si nous comprenons bien la pensée de l’auteur contemporain de cette histoire, qui nous renseigne de temps en temps, le Dieu dont les conquêtes doivent s’étendre dans