Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/319

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et même le marquis était venu à bout de lui donner quelques notions de manége et d’escrime.

Il y avait, en outre, tous les matins, de plaisantes séances entre le vieillard et l’enfant pour la leçon de grâces.

Le marquis faisait entrer et sortir dix fois de suite son élève, pour lui apprendre la façon de s’introduire avec élégance et courtoisie dans un salon, et celle de se retirer avec modestie et politesse.

— Voyez-vous, mon cher comte, lui disait-il (c’était l’heure où il fallait se parler avec de gracieuses cérémonies), lorsqu’un gentilhomme a passé le seuil de la porte et fait trois pas dans un appartement, il est déjà jugé par les personnes de mérite ou de qualité qui s’y trouvent. Il faut donc que tout son mérite à lui et toute sa qualité s’annoncent dans l’attitude de son corps et dans l’air de son visage. Jusqu’à ce jour, on vous a accueilli avec des caresses et de tendres familiarités, vous dispensant des convenances que vous ne pouviez point savoir ; mais cette indulgence cessera vite, et, si l’on vous voyait garder des manières rustiques sous les habits que voilà, on s’en prendrait à votre naturel ou à mon indifférence. Travaillons donc, mon cher comte ; travaillons sérieusement : recommençons cette révérence qui manque de brillant, et refaisons cette entrée qui a été molle et sans noblesse.

Mario s’amusait de cet enseignement, qui était une occasion de se carrer dans ses plus beaux habits, de se voir dans les glaces et de se remuer énergiquement par la chambre. Il était si adroit et si souple, qu’il ne lui en coûtait presque rien d’étudier cette sorte de ballet majestueux auquel on l’initiait minutieusement ; et son vieux père, beaucoup plus enfant que lui, savait rendre la leçon divertissante.