Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/34

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voir qu’il était aussi brave qu’un lion, malgré son air bénin, et que, s’il avait des façons comiques, il avait aussi des vertus chrétiennes dont on se pouvait trouver fort bien.

— Faites-vous entrer la tempérance et la chasteté dans le compte de ces vertus chrétiennes ?

— Pourquoi non, je vous prie ?

— Parce que cette gouvernante à l’ardente crinière, que nous avons vue à la porte de son domaine, m’a semblé un peu bien verte pour un homme aussi mûr.

— Honni soit qui mal y pense ! dit Guillaume en souriant. Je ne jurerais pas que notre marquis ait été insensible aux gentillesses des filles d’honneur de la reine Catherine ; mais il y a longtemps de cela ! Je crois fort que vous pourriez en conter à la Bellinde sans lui faire de tort ni de peine. Mais nous voici arrivés. Je n’ai pas besoin de vous dire que de tels propos ne sont pas de saison ici. Notre belle veuve, madame de Beuvre, n’est point une prude ; mais, à son âge et dans sa position…

Nos cavaliers passaient sur le pont-levis, qui, en raison de la tranquillité du pays, était baissé tout le jour ; la herse était levée.

Ils entrèrent donc sans obstacle ni cérémonie dans la cour du manoir, où ils mirent pied à terre.

— Un instant ! dit Sciarra d’Alvimar à Guillaume, au moment de se présenter ; je vous prie, à cause des valets, de ne point dire mon nom ici.

— Ni ici ni ailleurs, répondit M. d’Ars. Vous n’avez guère d’accent étranger ; il n’est donc pas même besoin de vous dire Espagnol. Pour lequel de mes amis de Paris voulez-vous que je vous fasse passer ?

— Je serais très-gêné de jouer un personnage différent du mien ; j’aime mieux rester à peu près moi-même,