Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/36

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et hardiment agencées, qui sont encore des objets d’art.

Celle-ci porte, au contre de ses rayons, un cheval de bois ou chevalet, instrument de torture dont l’application fut encore froidement réglée par une ordonnance de 1670. Cette horrible machine date de la construction de l’édifice, car elle fait corps avec la charpente[1].

C’est dans ce manoir exigu, pauvre et morne, que la belle Charlotte d’Albret, femme du sinistre César Borgia, passa quinze ans et mourut, toute jeune encore, après une vie de douleur et de sainteté.

On sait que l’infâme cardinal, le bâtard du pape, l’incestueux, le débauché, le sanguinaire, l’amant de sa sœur Lucrèce et l’assassin de son propre frère et rival, se débarrassa un jour des dignités de l’Église pour chercher femme et fortune en France.

Louis XII voulait rompre son propre mariage avec Jeanne, la fille de Louis XI, pour épouser Anne de Bretagne. Il lui fallait l’assentiment du pape. Il l’obtint moyennant qu’il donnerait le Valentinois et la main d’une princesse au bâtard, au cardinal condottiere.

Charlotte d’Albret, belle, érudite et pure, fut sacrifiée ; quelques mois après, délaissée et considérée comme veuve.

Elle acheta ce triste castel et vint y élever sa fille[2]. Son unique plaisir au dehors était d’aller voir à Bourges, sa mystique compagne d’infortune, Jeanne de France, la

  1. On en peut voir le dessin exact, ainsi que celui du château, de l’if et des débris de la tombe de Charlotte d’Albret, dans le bel ouvrage de MM. de la Tremblais et de la Villegille : Esquisses pittoresques sur le département de l’Indre.
  2. Louise Borgia, mariée plus tard à Louis de la Trémouille, puis à Philippe de Bourbon-Busset.