Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/40

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peut-on pleurer sans relâche à douze ans ? Son père lui donna, d’ailleurs, une si belle poupée ! une poupée qui avait un corps de jupe tout en drap d’argent, et des souliers en velours rouge découpés en queue d’écrevisse ! Et puis, quand elle eut quatorze ans, il lui amena de Bourges un si joli petit cheval brandin qui provenait des haras de M. le prince ! et puis enfin, Lauriane, qui n’était, lors de son mariage, qu’une mince et pâle fillette, devint, à quinze ans, une petite blonde si fraîche, si élégante, si aimable, qu’il n’y avait pas grand danger qu’elle restât veuve.

Mais elle était si tranquille avec son père et si complétement maîtresse dans le petit château qu’il lui avait constitué en dot, qu’elle ne se sentait nullement pressée de convoler en secondes noces. Ne s’appelait-elle pas madame ? Et une des grandes raisons qui décident les filles au mariage, n’est-elle pas le désir enfantin d’être appelées ainsi ? Et les cadeaux, les fêtes, la parure de noces ?

Lauriane disait naïvement :

— J’ai eu déjà tous les plaisirs et toutes les peines du mariage.

Cependant, quoiqu’il eût une assez belle fortune gouvernée par lui avec prudence, et que sa vie retirée lui permettait désormais d’arrondir, M. de Beuvre ne trouvait pas aisément à nouer pour sa fille de nouveaux projets de mariage.

Il avait embrassé le parti de la Réforme au moment où la Réforme, épuisée d’hommes et d’argent, n’avait plus, dans nos provinces, qu’à se tenir coite et à se faire tolérer.

Autour de lui, tout était catholique ou faisait semblant de l’être ; car, en Berry, le calvinisme n’eut qu’un