Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/98

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— Et c’est ce qui m’explique comment, avec son patois gascon, qui ne diffère pas trop du montagnol, tu as pu bien parler espagnol avec cette femme.

— C’est comme voudra monsieur ; tant il y a que je lui ai dit beaucoup de mots espagnols qu’elle a très-bien compris. — Et puis il faut vous dire qu’elle a avec elle un petit enfant qui n’est pas son enfant, mais qu’elle aime comme une chèvre aime son chevreau, et que ce joli garçonnet, qui a plus d’esprit qu’il n’est gros, parle français aussi bien que vous et moi. Or, monsieur, cette Morisque, qui s’appelle en français Mercédès…

— Mercédès est un nom espagnol ! dit le marquis en montant à son grand lit avec l’aide d’Adamas.

Je voulais dire que c’était un nom chrétien, poursuivit le valet. Donc, Mercédès s’est mis en tête, il y a six mois, d’aller trouver M. de Rosny, dont elle avait ouï parler comme du bras du feu roi, et dont on lui avait dit que, bien que disgracié, il pouvait beaucoup par sa richesse et sa vertu. Elle se mit donc en route pour le Poitou, où on lui disait que résidait M. de Sully. N’êtes-vous pas étonné, monsieur, de la résolution d’une femme si pauvre et si bornée, de traverser ainsi la moitié de la France, à pied, seule avec un petit enfant, lequel n’a guère plus de dix ans, pour aller trouver un aussi grand personnage ?

— Mais tu ne me dis point quelle raison cette femme avait d’en agir ainsi.

— Voilà, monsieur, le merveilleux de l’histoire ! Que croyez-vous que ce puisse être ?

— J’aurais beau chercher ! dis-le tout de suite, car il se fait tard.

— Je vous le dirais bien si je le savais ; mais je ne le