Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/184

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Il respirait encore, et un de ses grands yeux fauves, qui voyait confusément à travers son sang, semblait dire : « Je meurs deux fois, puisque vous me survivez ! »

— Quoi ! mon pauvre David, tu as tué ce Goliath ! s’écria le marquis dès qu’il commença à se ravoir.

— Ah ! mon père ! je l’ai tué deux minutes trop tard, répondit Mario, qui était comme ivre et qui recouvra aussitôt la mémoire avec la douleur : je crois que ma Mercédès est morte !

— Pauvre Morisque ! Espérons que non ! dit le marquis en soupirant.

Et ils repassèrent le pont pour aller la trouver, tandis que Clindor, qui, contre toute vraisemblance, craignait de voir Sanche se relever, traversait d’un fer de pertuisane la gorge de ce misérable cadavre.

La Morisque était debout. Elle ne voulait pas que l’on s’occupât d’elle, bien qu’elle eût de la peine à se soutenir.

Elle était douloureusement blessée : la balle avait traversé son bras droit, étendu sur le flanc de Mario au moment où le coup était parti ; mais elle ne songeait qu’à Mario, qu’elle ne voyait plus à ses côtés, et, quand elle l’y retrouva, elle sourit et perdit connaissance.

On la transporta au château, où Mario et Lauriane la suivirent en se tenant par la main et en pleurant amèrement, car ils la jugeaient perdue.

Le marquis resta dehors.

L’absence de Guillaume lui paraissait de mauvais augure, et il se porta en avant, croyant entendre, sur la hauteur, des bruits plus sérieux que ceux qui pouvaient provenir de la capture ou de la résistance de quelques fuyards.

À mesure qu’il avançait, les bruits devenaient plus