Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/248

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comme si j’avais marqué le désir de rester veuve, et je n’ai jamais résolu cela. Mais je ne vois pas en quoi M. d’Ars échappera au mauvais destin dont vous faites prédiction ! N’est-il pas catholique et grand partisan de la royauté ?

— M. d’Ars n’a point de volonté, reprit de Beuvre, et je réponds que nous l’amènerions à toutes nos fins, en toute rencontre. De plus malins que lui ont changé quand la Réforme a eu bonne chance.

— Si M. d’Ars n’a point de volonté, reprit Lauriane, tant pis pour lui, ce n’est donc pas un homme ; et si, il a âge d’homme, lui !

Lauriane ne se trompait pas. Guillaume était nul de caractère ; mais il était beau garçon, aimable voisin, brave comme un lion, et d’un cœur très-généreux avec ses amis.

Doux et facile au paysan, il se laissait piller sans y regarder ; mais aussi il faisait comme les seigneurs de son temps : il les laissait croupir dans l’ignorance et dans la misère. Il trouvait fort beau que les vassaux de Lauriane fussent propres et bien nourris, très-divertissant que ceux de Bois-Doré fussent gros ; mais, quand on lui disait qu’à Saint-Denis-de-Touhet, les paysans mouraient comme des mouches dans les épidémies ; qu’à Chassignoles et au Magny, ils ne savaient pas le goût du vin ni de la viande, à peine celui du pain ; enfin que, dans les pays de Brenne, ils mangeaient de l’herbe, tandis qu’en d’autres provinces, plus malheureuses encore, ils se mangeaient les uns les autres, il disait :

— Que voulez-vous y faire ? Tout le monde ne peut pas être heureux !

Et il ne se foulait pas l’esprit plus qu’il ne pouvait pour trouver un remède. Il ne lui fût pas venu en tête