Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/282

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Le succès de Pilaf sur ces esprits troublés ne causa à Mario qu’une plus vive répulsion, et il allait se retirer, lorsque la curiosité lui vint d’écouter les prédictions qu’elle commençait à débiter en thèse générale, en attendant que quelqu’un lui demandât le secret de son avenir.

— Parle, parle, jeune sibylle ! lui criait-on de toutes parts. Serons-nous heureux à la guerre ? Forcerons-nous demain le pas de Suse ?

— Oui, si vous étiez tous en état de grâce, répondait-elle avec dédain ; mais comme il n’en est point un seul ici qui ne soit couvert d’une lèpre de péchés mortels, j’ai grand’peur pour vos belles peaux blanches !

— Attendez, dit quelqu’un, nous avons ici un jouvencel doux et chaste, un ange du ciel, Mario de Bois-Doré ! Qu’il commence l’épreuve et interroge la devineresse.

— Mario de Bois-Doré ? s’écria Pilar, dont les yeux étincelants devinrent livides et ternes. Il est ici ? où donc ? où donc ? Montrez-le-moi !

— Allons, Bois-Doré, s’écria-t-on de tous côtés, ne cachez pas votre figure, et montrez vos deux mains.

Mario sortit de son coin et se montra aux deux bohémiennes, dont l’une s’élança pour saisir sa main, et l’autre baissa le nez comme pour ne pas être reconnue.

— Je vous ai vue, Bellinde, dit Mario à celle-ci ; et, quant à toi, Pilar, ajouta-t-il en retirant sa main, qu’elle semblait vouloir porter à ses lèvres, regarde mes lignes, cela suffit.

— Mario de Bois-Doré ! s’écria Pilar subitement irritée, je les connais de reste, les lignes de ta main fatale ! Je les ai assez étudiées autrefois. Je n’ai jamais dit ton sort ; il est trop méchant et trop malheureux.

— Et moi, je connais ta science, répondit Mario en