Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les bohémiens avec des promesses et quelques écus de temps en temps. Mais, moi, je savais où il l’avait enfoui, son trésor, et il en restait beaucoup ; du moins, beaucoup pour moi qui avais besoin de si peu. J’en fis plusieurs parts et je les cachai en divers endroits.

» Je m’étais mis dans la tête que je pouvais vivre seule, sans dépendre de personne, et aller libre par toute la terre, enfant que j’étais ! Mais je m’ennuyai bientôt, et, rencontrant la Bellinde, qui se sauvait du pays, toute rasée et dans un état misérable, je lui contai que j’avais de petits trésors cachés, tout en me gardant de lui dire jamais où ils étaient ! Oh ! pour le savoir, elle m’a flattée, tourmentée, grisée et questionnée jusque dans mon sommeil. Elle espérait toujours m’arracher mon secret ; c’est pourquoi elle s’est faite ma mère et ma servante, me caressant toujours et me trahissant…

» Oh ! oui ! elle m’a odieusement trahie ! Elle m’a vendue, elle m’a livrée, lorsque j’étais encore une enfant ; et quand, plus tard, j’ai compris et senti ma honte, j’ai juré que je me vengerais quand je n’aurais plus besoin d’elle.

» À cette heure, les corbeaux se repaissent de sa chair ! et c’est bien fait, mon Dieu !

— Tu es une malheureuse et horrible fille ! dit Mario. Et, à présent, as-tu fini ?

— À présent, je veux que tu m’aimes, Mario, ou je me vengerai de la Lauriane, que tu aimes toujours, je le sais ! puisque tout à l’heure, dans l’auberge, tu n’as pas voulu parler d’elle aux messieurs qui étaient là. Oh ! j’y étais aussi, moi, cachée dans le grenier, d’où j’entendais tout le mal que tu as dit de moi.

— Puisque tu as tout entendu, comment es-tu assez folle pour ma demander de t’aimer ?