Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/57

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Tout à coup, il se fit un bruit de portes, de pas et de voix sous cette voûte, et une confusion d’ombres mouvantes et agitées, tantôt immenses, tantôt trapues, se dessina de la manière la plus bizarre sur le grand mur, comme si un grand nombre de personnes, allant et venant devant un vaste foyer, en eussent tour à tour masqué et démasqué le rayonnement.

— Voici, pensa le marquis, un jeu de cligne-musette assez curieux, et l’on ne saurait nier que ce château ne soit rempli d’ombres errantes et parlantes. Sachons ce qu’elles disent.

Il écouta ; mais, au milieu d’un murmure de paroles, de chants, de plaintes et de rires, il ne parvint pas à saisir une phrase, un mot, une intention.

L’effroyable sonorité de la voûte, qui renvoyait les sons comme les ombres sur la muraille opposée, confondait toutes les voix en une seule, toutes les interpellations en un bruissement confus.

Le marquis n’était pas sourd ; mais il avait la sensibilité auditive des vieillards, qui entendent très-bien une gamme de sons modérés et de paroles articulées, et qu’un vacarme, un pêle-mêle de voix trouble et offense sans résultat.

Il saisissait donc des inflexions et rien de plus : tantôt celle d’une grosse voix éraillée qui semblait faire un récit, tantôt un refrain de chanson interrompu brusquement par des accents de menace, et puis une voix claire qui semblait railler et contrefaire les autres, et qui soulevait un orage de rires violents et brutaux.

Parfois, c’étaient d’assez longs monologues, puis des dialogues à deux, à trois, et, tout à coup, des cris de colère ou de gaieté qui ressemblaient à des rugissements.