Page:Sand - Les Dames vertes, 1879.djvu/207

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ma mère. Cependant, quand j’eus assez bien dépeint cet état de désespoir où j’étais tombé par moments et qui m’avait fait envisager avec une sorte de volupté la pensée du suicide, mon père redevint sérieux, et s’écria en regardant ma mère :

— Ainsi, voilà un enfant qui a été maniaque sous nos yeux, et nous ne nous en sommes pas doutés ! Et vous pensiez, ma mie, qu’il nous cachait sa flamme pour la belle d’Ionis qui est si bien vivante, tandis qu’il se consumait pour la belle d’Ionis qui est morte, si tant est qu’elle ait jamais existé ! Vraiment, il se passe d’étranges choses dans la tête des poëtes, et j’avais bien raison, dans les commencements, de me méfier de cette diablesse de poésie. Allons, grâces soient rendues à la belle d’Aillane qui ressemble à la néréide et qui nous a guéri notre insensé ! Il faut l’épouser à tout prix, et la demander bien vite avant qu’on sache si elle aura une dot ; car,