Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/13

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que Roger pût avoir chevaux et chiens sans que la mère fît trop retourner ses robes et relustrer ses rubans. J’avais su mettre assez d’ordre dans ma gestion pour que M. le comte trouvât de l’amélioration dans ses recettes sans se douter que certains excédants payaient les amusements de Roger et les charités de madame. Elle l’ignorait, car elle s’y fût refusée en ce qui la concernait. Quelquefois elle paraissait étonnée, après avoir tout donné, d’avoir encore quelque chose ; mais elle n’y connaissait rien. Son mari l’avait tenue en tutelle au point qu’elle ne savait pas mieux calculer qu’un enfant.

Roger, tout en ne travaillant rien, apprenait pourtant beaucoup de choses. Il ne mordit jamais aux mathématiques et aux sciences abstraites. Il n’avait pas non plus de goût pour les sciences naturelles, mais il aimait la musique et la littérature, il lisait volontiers l’histoire et apprenait les langues vivantes avec une admirable facilité. Sa mémoire lui tenait lieu de grammaire, comme son instinct musical de théorie. Très-bien doué, il plaisait tellement qu’on ne songeait pas à lui demander d’acquérir. Il acquérait pourtant dans la sphère de ses tendances par l’insufflation patiente et enjouée de sa mère, qui savait si bien l’instruire en l’amusant. Quand je lui exprimais mon admiration :

— Je n’y ai aucun mérite, me répondait-elle. Il