Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/144

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entends ; c’est moi qui fais celui de M. Alphonse, et je le soigne, parce que je sais qu’il n’a pas d’autre gourmandise.

Roger fit un geste d’impatience. Gaston vit qu’il pleurait, et je voulus en vain intervenir. Il me repoussa, et, entourant Roger de ses bras :

— Il a du chagrin ! dit-il, ou il a beaucoup de mal ! — Monsieur le comte, mon cher maître, dites-moi ce que vous avez !

— Qu’est-ce que cela te fait ? dit Roger d’un ton brusque.

— Ça me fait beaucoup de peine.

— Pourquoi ça ?

— Parce que je vous aime.

— Qu’est-ce qui te prend de m’aimer ? Pourquoi m’aimes-tu ?

— Parce que vous êtes bon et que vous êtes mon maître.

— Ton maître, imbécile ! Est-ce qu’il y a encore des maîtres ?

— Oui, il y a ceux dont on veut être le serviteur.

— Parce que ?…

— Parce qu’on les aime ! Il n’y a pas d’autre raison.

En ce moment, Roger était assis du côté opposé à celui où il s’était mis d’abord pour souper. Comme il avait chaud en arrivant et que la salle à manger était très-froide, nous lui avions allumé un feu de fagots auquel il tournait le dos ; la table était dres-