Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/238

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me glissai dans la ruelle, mais je ne pus voir son visage enfoncé dans les coussins. Il avait l’attitude écrasée d’un homme vaincu par la fatigue, ou plutôt celle d’un enfant que le sommeil saisit avant qu’il ait eu le temps de prendre une posture logique. Je ne pus voir de lui que sa main relevée au-dessus de sa tête. J’y posai doucement mes lèvres, il la retira sans s’éveiller, comme pour échapper à un contact importun. J’allais partir lorsque j’entendis monter l’escalier dérobé et glisser le panneau. Je me blottis sur mes talons dans la ruelle du lit. Je ne voulais plus être vu de personne. Je me considérais comme mort et déjà enseveli. Je ne pouvais voir, à moins de me montrer, les personnes qui entraient : elles étaient deux ; bientôt la voix de M. de Salcède se fit entendre.

— Il est six heures ; c’est l’heure où Charlotte se lève, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit la voix de Gaston. Attendons un instant ; je l’entendrai descendre. Je vais allumer le feu. Tiens ! on l’a déjà fait !

— C’est Charles, en prévision de l’arrivée de Roger ; mais Roger ne sera pas ici avant neuf heures. J’ai le temps de parler à ta mère.

— Ah ! reprit Gaston, j’entends ouvrir sa porte. Je vais dire à Charlotte que vous attendez madame ici.

Gaston sortit. Salcède marcha lentement comme un homme qui médite. S’il jeta les yeux sur le lit,