Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/247

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Cette déclaration nous avait tous jetés dans la stupeur. Ambroise, qui croyait la comprendre, fut le premier à la juger et le seul à l’approuver.

— Moi, je trouve que tu as… pardon, excuse ! que vous avez raison, monsieur le comte. Vous méritez d’être marquis, — ce qui vaut mieux, à ce qu’il paraît, — et d’avoir un père qui vous aime au lieu d’un qui ne vous a pas aimé.

— Tais-toi, répondit Gaston, tu ne sais ce que tu dis, mon vieux ! Si je renie mon père, ce n’est pas pour en prendre un autre, quelque tendresse que j’aie pour lui. Si je refuse une fortune, ce n’est pas pour en accepter une plus considérable. Je n’admets pas et Charlotte n’admet pas non plus que M. de Salcède renonce au mariage à quarante ans, ou qu’il se crée un précédent qui enchaînerait son avenir. Il a bien assez fait pour moi ; je rougirais d’en accepter davantage. D’ailleurs, toutes ces questions d’intérêts matériels et de priviléges sociaux me sont étrangères et ne m’apparaissent que comme des tyrannies auxquelles je me suis juré d’échapper le jour où j’en ai compris les dangers.

— C’est moi qui te les ai fait comprendre et mal comprendre, s’écria Roger. Tu m’as vu bouleversé, fou…

— Je t’ai vu malheureux, répondit Gaston, et je t’ai fait un serment que je ne violerai pas. Je t’ai "dit que je ne voulais rien être qu’Espérance Michelin, ton fermier, et que c’était là mon rêve de bon-