Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/26

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et M. de Salcède ne l’en avait pas détourné, pour des raisons qu’il ne m’a pas précisément dites, mais que j’ai devinées.

— Dois-je essayer de les deviner aussi ?

— Oui, essayez.

— L’amour a dû parler déjà au cœur de ce jeune homme.

— Justement ! Mais ce n’est pas, comme chez Roger, une fièvre que peut apaiser la première beauté venue, sauf à être oubliée pour une autre le lendemain. Gaston, élevé dans un milieu sauvage avec des idées romanesques, rêve l’amour exclusif, éternel. Déjà depuis quelque temps Salcède le trouvait triste et préoccupé, il ne pouvait plus travailler. Il a presque confessé son intention d’épouser Charlotte Michelin.

— Ma filleule ?

— Votre filleule. Elle est charmante, aussi sage que jolie et très-intelligente. C’est l’élève de Gaston, comme Gaston est l’élève de Salcède, et je crois bien que, moralement parlant, elle n’est inférieure à personne dans le monde ; mais Gaston est trop jeune pour s’établir, et la position qu’on lui a faite présente d’étranges obstacles. Il ne peut se marier sans avoir un acte d’état civil, et nous ne pouvons lui révéler que le sien est à la mairie de Sévines. Il lui faudrait je ne sais quel acte de notoriété, dressé à Flamarande, qui ne lui donnera d’autre nom que celui d’Espérance, sous lequel on