Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/30

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connaître le pourquoi et le comment des choses terrestres. Il est naturaliste passionné, et voilà pourquoi il se traite de sauvage, parce que, selon lui, la solitude est un charme qui domine tout et qui ne peut jamais s’expliquer. — C’est, dit-il, qu’elle répond à un instinct mystérieux de l’homme primitif, et qu’à moins d’être cet homme-là on ne peut pas s’en faire une idée. Je vous explique cela comme je peux, Charles, car je devine un peu mon fils sans le bien comprendre. Je ne suis pas un être primitif, moi ; j’appartiens à la société, qui m’a formée pour vivre en elle et selon elle : mais, quand Gaston me parle du parfum particulier qui émane du désert, et d’un certain ordre d’idées que les hauteurs de la montagne font éclore, je me sens émue de son émotion, et je vois la nature à travers ses regards.

— Ne pensez-vous pas, dis-je à madame de Flamarande, que cet amour de la solitude est, chez le jeune homme amoureux, un désir de ne pas quitter le milieu où vit la jolie Charlotte ?

— Ah ! répondit-elle, il y a de cela certainement ; mais je ne devais pas l’interroger, et je n’eusse pas osé le faire. Que lui dire pour lui faire comprendre qu’il n’est pas par le fait le sauvage qu’il veut être, qu’il appartient à cette société qu’il repousse, qu’il a une famille, un père sans lequel, après tout, il ne peut disposer de son sort pour contracter un mariage régulier ? Que M. de Fla-