Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/69

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bras enlacés, joue contre joue, Charlotte ayant appuyé sa jolie tête sur l’épaule de Gaston, qui marchait fier et comme en triomphe.

Ainsi mon plan, mené à tout hasard, avait été pris en main par la destinée. Gaston allait s’engager par des liens d’honneur à rester perdu dans la plèbe, et, si ce mariage ne s’opposait pas à sa réintégration dans le monde, il apporterait du moins un obstacle de plus aux dernières espérances de sa mère.

Pourvu que Salcède ne vînt pas tout déranger en ce moment suprême ! Était-il encore au donjon ? Probablement, puisque Gaston avait pu quitter sans qu’il le sût le Refuge, où il l’avait installé pour quelques jours. Impossible de m’en assurer, le donjon était fermé, et Salcède pouvait toujours s’en aller par le passage secret, ce qui par parenthèse favorisait merveilleusement ses entrevues plus ou moins intimes avec la comtesse. Il n’était que onze heures du soir, peut-être était-il déjà au Refuge, et peut-être, n’y trouvant pas Espérance, était-il en route pour revenir le chercher : mais un danger plus pressant s’offrit à mon esprit. Ambroise Yvoine n’était sans doute pas couché, ayant quitté le donjon qu’il habitait pour le laisser à la dame de Flamarande ; il devait loger à la ferme. Il était peut-être comme autrefois en train de fumer sa pipe avec Michelin, qui, levé le premier, se couchait toujours le dernier. Ces deux bonshommes