Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/94

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sur ce chapitre délicat ; mais, tout en causant, j’espérais l’amener avec adresse à me dire tout ce qu’il savait de sa situation. Il n’en savait pas long ou il était très-fort. Il me fut impossible d’en rien tirer de plus qu’il n’en avait dit.

Roger nous surprit, Gaston faisant son feu, moi rangeant ses nippes. Il venait de se débarrasser de son habit noir, tous les visiteurs étant partis, et il demandait son paletot pour passer la soirée à l’aise avec sa mère. Ce fut Gaston qui le lui présenta. Il ne l’avait pas aperçu en entrant, et il eut un moment de surprise.

— Ah ! ah ! monsieur mon futur fermier, dit-il en passant une manche de son vêtement et le regardant en face, c’est vous qui me servez de valet de chambre ? C’est trop d’honneur pour moi.

— C’est pour moi du plaisir, répondit Gaston en tournant les talons pour aller chercher la cravate de couleur de son frère.

Il avait repris l’accent du pays, et je dois dire qu’avec cet accent il avait l’art naturel de se transformer soudainement de la tête aux pieds, comme si en effet il avait deux natures à son service. Roger le suivait des yeux.

— Il est drôle, ce garçon-là, me dit-il à voix basse. Quel effet te fait-il ?

— L’effet d’un excellent enfant et d’un très-brave paysan.

— Pas si paysan que ça ! reprit Roger ; c’est un