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Les Maîtres Sonneurs

Si bien, qu’un bon quart d’heure durant, la lutte sembla égale. Enfin, je sentis que je m’épuisais, tandis qu’il ne faisait que de s’y mettre ; car s’il n’avait pas les ressorts meilleurs que moi, il avait pour lui l’âge et le tempérament. Et, de fine force, je me trouvai dessous et bien battu, sans me pouvoir dégager. Nonobstant, je ne voulus crier merci, et quand il vit que je m’y ferais tuer, il se comporta en homme généreux. — En voilà assez, fit-il en me lâchant le gosier ; tu as la tête plus dure que les os, je vois ça ! et je te les casserais avant de la faire céder. C’est bien ! Puisque tu es un homme, soyons amis. Je te fais excuse d’être entré en ta maison ; et, à cette heure, voyons les ravages que t’ont faits mes mules. Me voilà prêt à te payer aussi franchement que je t’ai battu. Après quoi, tu me donneras un verre de vin, afin que nous nous quittions bons camarades.

Le marché conclu, et quand j’eus empoché trois bons écus qu’il me donna pour moi et mon beau-frère, j’allai tirer du vin et nous nous mîmes à table. Trois pichets de deux pintes y passèrent, le temps de dire les grâces, car nous étions bien altérés au jeu que nous avions joué, et maître Huriel avait un coffre qui en tenait tant qu’on voulait. Il me parut bon compagnon, beau causeur et aimable à vivre au possible ; et moi, ne voulant pas rester en arrière de paroles et d’actions, je remplissais son verre à chaque minute et lui faisais des jurements d’amitié à casser les vitres.

Il ne paraissait point se sentir de la bataille ; si fait bien m’en ressentais-je ; mais, ne voulant pas le montrer, je lui fis offre d’une chanson, et j’en tirai une, avec un peu d’effort, de mon gosier, encore chaud de la pressurée de ses mains. Il n’en fit que rire. — Camarade, me dit-il, ni toi ni les tiens ne savez ce que c’est que chanter. Vos airs sont fades et votre souffle écourté comme vos idées et vos plaisirs. Vous êtes une race de colimaçons, humant toujours même vent, et suçant