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Les Maîtres Sonneurs

— Vrai, il ne reviendra pas ? Il s’en va pour tout à fait ? Voilà qui m’ôte l’envie de rire et de danser.

— Oh ! ma belle enfant, fit Huriel, vous êtes donc la fiancée de ce petit Joseph ? Il ne m’avait pas dit cela !

— Je ne suis la fiancée de personne, répondit Brulette en se redressant.

— Et pourtant, reprit le muletier, voilà un gage qu’on m’a dit de vous montrer, dans le cas où vous douteriez que je suis chargé d’emporter la musette.

— Où donc ? quel gage ? fis-je à mon tour.

— Regardez à mon oreille, dit le muletier, en relevant une peignée de ses cheveux noirs tout crépus, et en nous montrant un tout petit cœur en argent, passé par son anneau à une grande boucle en or fin qui lui traversait l’oreille à la manière des bourgeois de ce temps-là.

Je crois bien que ces oreilles percées commencèrent à donner dans la vue de Brulette, car elle lui dit : — Vous n’êtes pas ce que vous paraissez, et je vois bien que vous n’êtes pas un homme à vouloir tromper de pauvres gens. D’ailleurs, c’est bien à moi, le gage que vous portez là ; ou plutôt c’est à Joset, car c’est un cadeau que sa mère m’a fait le jour de notre première communion, et que je lui ai donné en souvenance de moi, le lendemain, quand il a quitté la maison pour entrer dans un service. Or donc, Tiennet, me dit-elle, va-t’en à mon logis, chercher la musette, et l’apporte là, sous le porche de l’église où il fait noir, sans qu’on voie où tu l’as prise, car le père Carnat est un homme méchant qui ferait des peines à mon grand-père s’il savait que nous nous sommes prêtés à une pareille chose.