Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
Onzième veillée

quand mon grand-père, s’imaginant que vous veniez me parler mariage, s’est dépêché de vous refuser.

— Je n’ai rien dit du tout, Brulette, si ce n’est que je ne demandais pas le mariage. Avant d’avoir la personne, il faut avoir le cœur, et je n’ai pas droit au vôtre.

— Je vois au moins, dit Brulette, que vous êtes plus raisonnable et moins hardi avec moi que l’an passé.

— Oh ! reprit Huriel, si je vous ai dit, à la fête de votre village, des paroles un peu vives, c’est qu’elles me sont venues comme ça en vous voyant ; mais le temps a passé là-dessus, et vous devriez avoir oublié l’offense.

— Qui vous dit que je m’en souvienne ? Est-ce que je vous en fais reproche ?

— Vous me la reprochez en vous-même, ou tout au moins vous en gardez souvenance, puisque vous ne me voulez point parler clairement au sujet de Joseph.

— J’ai cru, dit Brulette, dont la voix marquait un peu d’impatience, que je m’étais expliquée là-dessus bien clairement hier au soir ; mais quel accord voulez-vous donc faire entre ces deux choses-là ? Plus je vous aurai oublié, moins je dois être pressée de vous confesser mes sentiments pour n’importe qui.

— Tenez, mignonne, dit le muletier, qui ne paraissait donner dans aucune des petites réserves de Brulette, vous avez très-bien parlé sur le passé hier au soir ; mais vous n’avez guère appuyé sur l’avenir, et je ne sais pas encore ce que vous comptez dire de bon à Joseph pour le raccommoder avec la vie. Pourquoi refusez-vous de me le faire savoir franchement ?

— Et qu’est-ce que cela vous fait, je vous le demande ? Si vous êtes marié, ou seulement engagé de parole, vous ne devez point tant regarder à travers le cœur des filles.

— Brulette, vous voulez absolument me faire dire que je suis libre de vous faire la cour. Et vous, vous ne