Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ix
Préface

et d’autant plus pénétrante qu’elle est plus près de sa nature à elle, des campagnes de la France et du centre de la France. Il y a comme une proportion. Quand elle place son roman en Allemagne ou en Italie, elle ne décrit presque pas (et cependant l’Italie au moins, elle l’a vue). Quand elle place son roman en Provence ou en Normandie ou en Auvergne, elle décrit, et fort bien, souvent même d’une façon admirable ; mais c’est quand elle est chez elle tout à fait, en Berri, en Marche, à Gargilette ou à Crozant, sur les bords de la Creuse ou de l’Indre, que son paysage a l’air vivant et la physionomie précise et animée, et la présence réelle et la présence continue d’un personnage, et d’un personnage familier et d’un personnage chéri.

Je ne vois guère en France que La Fontaine et Jean-Jacques Rousseau qui aient vécu dans une pareille familiarité de la nature.

Notez encore que la féminité de George Sand donne un caractère particulier à ce sentiment. George Sand aime la nature non seulement avec ardeur et avec émotion, mais avec tendresse. La Fontaine est un ami de la nature, Jean-Jacques Rousseau en est un adorateur ; George Sand en est amoureuse.

Je n’ai pas besoin de faire remarquer que, seulement au point de vue du style, il y a eu là un renouvellement admirable du génie de George Sand. Malherbe n’avait comme professeurs de langue française que les « crocheteurs du port au foin ; » et entre nous, malgré son affirmation fameuse, je doute qu’il les consultât assidûment. George Sand a pris pour professeurs de langue française, vers 1850, les paysans du Berri ; et elle s’est fait savamment, ingénieusement, avec un goût exquis du reste, comme Mistral, avec ses provençaux, un dia-