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xv
À M. Eugène Lambert

est presque devenu ton pays d’adoption. Tu te rappelleras qu’à l’époque où je l’écrivais, tu disais : « À propos, je suis venu ici, il y a bientôt dix ans, pour y passer un mois. Il faut pourtant que je songe à m’en aller. » Et comme je n’en voyais pas la raison, tu m’as représenté que tu étais peintre, que tu avais travaillé dix ans chez nous pour rendre ce que tu voyais et sentais dans la nature, et qu’il te devenait nécessaire d’aller chercher à Paris le contrôle de la pensée et de l’expérience des autres. Je t’ai laissé partir, mais à la condition que tu reviendrais passer ici tous les étés. Dès à présent, n’oublie pas cela non plus. Je t’envoie ce roman comme un son lointain de nos cornemuses, pour te rappeler que les feuilles poussent, que les rossignols sont arrivés, et que la grande fête printanière de la nature va commencer aux champs.

George Sand.
Nohant, le 17 avril 1853.