Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/253

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appris dans ma jeunesse, je ne connais pas beaucoup cette musique-là et t’en ai montré tout ce que je savais, c’est-à-dire les clefs, les notes et la mesure. Quand tu auras envie d’en connaître plus long, tu iras dans les grandes villes, où les violoneurs t’apprendront le menuet et la contredanse ; mais je ne sais pas si ça te servira, à moins que tu ne veuilles quitter ton pays et ta condition de paysan.

— Dieu m’en garde ! répondit Joseph en regardant Brulette.

— Or donc, reprit le grand bûcheux, tu trouveras ailleurs l’instruction qu’il te faut pour sonner la musette ou la vielle. Si tu veux revenir à moi, je t’y aiderai ; si tu crois trouver du nouveau dans le pays d’en sus, il faut y aller. Tout ce que j’aurais souhaité, c’est de te mener tout doucement, jusqu’au temps où ton souffle saura se donner sans effort, et où tes doigts ne se tromperont plus ; car pour l’idée, ça ne se donne point, et tu as la tienne, que je sais être de bonne qualité. Je ne t’ai pas épargné la provision que j’ai dans la tête, et ce que tu auras retenu, tu t’en serviras s’il te plaît ; mais, comme ton vouloir est de composer, tu ne peux mieux faire que de voyager un jour ou l’autre, pour tirer la comparaison de ton fonds avec celui d’autrui. Il te faut donc monter jusqu’à l’Auvergne et au Forez, afin de voir, de l’autre côté de nos vallons, comme le monde est grand et beau, et comme le cœur s’élargit quand, du haut d’une vraie montagne, on regarde rouler des eaux vives qui couvrent la voix des hommes et font verdir des arbres qui ne déverdissent jamais. Ne descends pourtant guère dans les plaines des autres pays. Tu y retrouverais ce que tu aurais laissé dans les tiennes ; car voici le moment de te donner un enseignement que tu ne dois pas oublier. Écoute-le donc bien fidèlement.