Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les pieds, et, pendant que le cheval monte la côte, je veux me dégourdir un peu.

Et, sans attendre que j’eusse repris les rênes pour arrêter le cheval, elle sauta sur le chemin et se mit à marcher en avant, aussi légère qu’une bergeronnette.

J’allais descendre aussi ; Joseph me retint par le bras, et, toujours suivant son idée : — N’est-ce pas, dit-il, qu’on méprise également ceux qui marquent trop leur vouloir, et ceux qui ne le marquent pas du tout ?

— Si c’est pour moi que tu dis ça…

— Je ne dis ça pour personne. Je reprends la causerie que nous avions là-bas et qui s’est tournée en chanson contre tes paroles et contre mon silence. Il paraît que c’est Huriel qui a gagné le procès auprès de la fillette.

— Quelle fillette ? dis-je, impatienté ; car Joseph n’avait point mis sa confiance en moi jusqu’à cette heure, et je ne lui savais point de gré de me la donner par dépit.

— Quelle fillette ? reprit-il d’un air de moquerie chagrine ; celle de la chanson !

— Eh bien, quel procès Huriel a-t-il gagné ? Cette fillette-là demeure donc bien loin, puisque le pauvre garçon est parti pour le Forez ?

Joseph resta un moment à songer ; puis il reprit : — Il n’en est pas moins vrai qu’il avait raison, quand il disait qu’entre le commandement et le silence, il y avait la prière. Ça revient toujours un peu à ton premier dire, qui était que, pour être écouté, il ne faut point trop aimer. Celui qui aime trop est craintif ; il ne se peut arracher une parole du ventre, et on le juge sot parce qu’il est transi de désir et de honte.

— Sans doute, répondis-je. J’ai passé par là en mainte occasion ; mais il m’est quelquefois arrivé de si mal parler, que j’aurais mieux fait de me taire : j’aurais pu me flatter plus longtemps.

Le pauvre Joseph se mordit la langue et ne parla