Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle descendit la première devant sa porte, elle tendit les deux mains pour prendre la corbeille, lui disant : — Ne craignez rien, je me doute de ce que c’est. Mais le carme refusa de s’en séparer, disant, de son côté, que c’était de valeur et craignait la casse.

— Je vois, mon frère, lui dis-je tout bas, en le retenant un peu, que vous voilà bien affairé. Je ne vous veux point déranger ; c’est pourquoi je vous prie de me dire vite s’il y a du nouveau pour l’affaire de là-bas.

— Rien que je sache, me dit-il en parlant de même point de nouvelles, bonnes nouvelles. Et, me secouant la main avec amitié, il entra en la maison de Brulette, où déjà elle était pendue au cou de son grand-père.

Je pensais que ce vieux, qui d’ordinaire était fort honnête, me devait quelque bon accueil et beau remercîment pour le grand soin que j’avais eu d’elle ; mais, au lieu de me retenir un moment, comme s’il eût été encore plus pressé de l’arrivée du carme que de la nôtre, il le prit par la main et le conduisit au fond de la maison, en me disant qu’il me priait de l’excuser s’il avait besoin d’être seul avec sa fille pour des affaires de conséquence.




DIX-NEUVIÈME VEILLÉE


Je ne suis pas beaucoup choquable, et cependant je me trouvai choqué d’être si mal reçu, et m’en fus chez nous remiser ma carriole et m’informer de ma famille. Et puis, la journée étant trop avancée pour se mettre au travail, je dévalai par le bourg pour voir si chaque chose était en sa place, et n’y trouvai aucun changement, sinon qu’un des arbres couchés sur le communal, devant la porte du sabotier, avait été débité en sabots, et que le père Godard avait ébranché son peuplier et mis de la tuile neuve sur son courtil.